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Les Yézidis de Liège ont fait sonner les cloches en mémoire d’août 2014

Christophe Lamfalussy   /   3 августа 2017 года

A Liège vit la plus importante communauté yézidie de Belgique. Le 3 août est jour du souvenir pour elle.

A 11 h 15 exactement, jeudi, les cloches des églises du centre de Liège se sont mises à sonner et une cinquantaine de Yézidis se sont figés sur la place Saint-Lambert. C’était le geste de soutien de l’évêque de Liège, Jean-Pierre Delville, en mémoire du massacre des yézidis et des chrétiens syriaques, qui s’est déroulé à partir du 3 août 2014 en Irak.

Trois longues minutes de silence. Les visages étaient figés. Les doigts en V, levés. Des passants immortalisaient la scène sur leur portable.

"N’oubliez pas le massacre de Sengal. La liberté des femmes de Sengal est la liberté pour toute l’humanité", pouvait-on lire sur une banderole, tandis que des portraits d’Abdullah Öcalan, le leader kurde en prison, et des drapeaux yézidis frappés de l’aigle étaient brandis.

"Excusez mon ignorance : c’est où Sengal ?", demande un passant.

Sengal est le nom kurde pour Sinjar, le haut lieu historique de la communauté yézidie en Irak. Sinjar a été reprise à Daech par des miliciens kurdes, les peshmergas et les combattants alliés au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), mais ceux-ci se regardent en chiens de faïence. Près de 3 000 femmes et filles yézidies sont toujours portées disparues.

A Liège, il y avait surtout des sympathisants d’Öcalan. La raison en est que la première vague d’immigration de Yézidis, dans la cité principautaire, est arrivée dans les années nonante du Kurdistan turc, zone d’influence du PKK, surtout de la ville de Mardin. Ce n’est que depuis quelques années que des Yézidis arrivent d’Irak, parmi les réfugiés.

Venus de Turquie, aujourd’hui d’Irak

Du coup, les discours étaient nettement orientés. Une partie des Yézidis reprochent en effet aux peshmergas kurdes de Massoud Barzani de n’avoir rien fait pour protéger la population de Sinjar lors de l’attaque du 3 août 2014. "Ils ont délibérément laissé le champ libre aux terroristes de l’Etat islamique", avance Suleyman Agirman, le président du centre culturel yézidi de Liège. "Nous n’oublierons jamais que les soldats du PKK ont ouvert un couloir pour libérer les Yézidis qui mouraient sur le mont Sinjar."

Minorité parmi les minorités, les Yézidis sont devenus un enjeu entre le gouvernement régional du Kurdistan irakien, proche d’Ankara et dirigeant une majorité sunnite, et le PKK, partisan d’une société laïque, égalitaire et multiculturelle, mais rigide sur le plan idéologique.

Des unités yézidies combattent d’ailleurs dans les deux camps, les uns avec les pechmergas, les autres au sein de l’Unité de résistance de Sinjar (YBS).

"Mais laissons ces querelles de côté, poursuit Suleyman. Nous prônons un message de tolérance et le savoir-vivre."

Par le biais du regroupement familial, Liège abrite près de 90 % d’une communauté yézidie estimée entre 3 000 et 5 000 personnes en Belgique. Rue de Porto, les Yézidis ont établi un centre culturel où l’on boit le thé, tape la carte et procède aux cérémonies funéraires.

"C’est la génération de mon père qui est à l’origine de ce centre, poursuit Suleyman. La meilleure manière de rapprocher les générations, c’est le jeu de cartes !"

Près de 3.000 morts en quelques jours

En Irak, Sinjar est aujourd’hui une ville détruite. Les habitants sont réfugiés dans des camps au Kurdistan irakien et turc, ou en Europe, principalement en Allemagne.

Une etude - la première du genre - a estimé en mai dernier que près de 2,5 % de la population yézidie en Irak avait soit péri ou soit été enlevée par Daech dans les premiers jours d’août 2014.

Cette étude universitaire publiée par PLOS medicine évalue que 3 100 personnes ont été tuées par Daech ou sont mortes de faim et de soif sur le mont Sinjar (il faisait 50 degrés alors) tandis qu’environ 6 800 ont été kidnappées. Les Yézidis réclament une protection internationale à Sinjar et demandent que les coupables de ces crimes soient traduits devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye. Ils appellent enfin les Nations unies à reconnaître ces crimes comme un "génocide".

 
Источник: lalibre.be